Cécile Dazord

Félix Bruzzone est écrivain, né en 1976 à Buenos Aires en Argentine où il réside aujourd’hui. Auteur de romans, nouvelles et livres pour enfants, il s’aventure également sur les terrains de la performance, du théâtre ou du cinéma.

Sa production artistique comme sa vie personnelle gravitent en partie autour de la dictature civile et militaire qui, sous l’appellation « Processus de réorganisation nationale » a régi le pays du 24 mars 1976 au 10 décembre 1983 et instauré un régime de terrorisme d’État pratiquant à grande échelle la spoliation, la torture, l’assassinat, la séquestration, la disparition de personnes ainsi que l’enlèvement et l’appropriation d’enfants privés de leur identité.

Recueil de nouvelles et roman, 76 et Campo de mayo, renvoient dès le titre à l’histoire personnelle de l’auteur et à celle du pays. Félix Bruzzone est né à quelques mois du coup d’état, ses deux parents ont disparu l’un et l’autre cette même année. Jeune adulte, il emménage dans la province de Buenos Aires, à 25 km au nord de la capitale fédérale, à proximité de Campo de mayo, l’un des plus grands camps militaires ayant fait office de centre de détention et d’extermination pendant la dictature. Il découvre, peu de temps après, que sa mère y a été séquestrée et vue pour la dernière fois avant de disparaître.
Pour autant, l’œuvre de Félix Bruzzone ne constitue pas une entreprise de reconstitution raisonnée de son histoire familiale. Elle échafaude plutôt, à partir des lacunes, des vides et des silences, des parcours erratiques, ouvrant des brèches dans lesquelles s’engouffrent ou à partir desquelles se déploient toutes sortes de divagations.

Avant d’être publié sous la forme d’un roman (en 2019), Campo de mayo a été présenté comme performance. Le projet a repris une forme performative en 2021 avec le film Camuflaje réalisé par Jonathan Perel, co-écrit, interprété et couru par Félix Bruzzone.

Tourné à la périphérie et à l’intérieur du camp, dans lequel l’équipe dépourvue d’autorisation s’introduit par effraction, Camuflaje soumet, dans un effet de boomerang, la fiction à l’épreuve de la réalité du site qui, par une sorte de contamination baroque, prend un tour totalement extravagant. Le 10 novembre 2019, la dernière étape de la course à obstacles KILLER RACE – RUN FOR GLORY, comportant notamment une épreuve de tir, s’est déroulée dans l’enceinte de Campo de mayo, conférant au film l’opportunité d’un final en apothéose.

Extrait du texte à paraître dans « Mon lapin quotidien n°19 », en librairie à partir du 17 mai prochain