La guerre de la langouste

Les rencontres de la photographie

7 juillet au 5 octobre 2025 | Galerie de l'ENSP

Cette exposition s’inscrit dans un projet de recherche curatorial mené tout au long de l’année 2025 par le commissaire et critique d’art Jean-Yves Jouannais, l’artiste enseignante Mabe Bethônico et la scénographe Elizabeth Guyon, en lien étroit avec un groupe d’étudiant·e·s de l’ENSP.
L’exposition ainsi pensée collectivement a donné lieu à un accrochage cherchant à interroger notre rapport à l’histoire, à la guerre et aux mythes nationaux.

Le Maître du Haut Château (1962) est l’uchronie la plus célèbre de Philip K. Dick. Le roman se déroule dans un monde alternatif dans lequel les Forces de l’Axe ont remporté la Seconde Guerre mondiale. L’histoire évoque, par un effet de mise en abyme, l’ouvrage d’un certain Abendsen qui imagine l’impensable, à savoir la victoire des Alliés en 1945.

L’uchronie que notre exposition se propose d’exploiter est la suivante : la « Guerre de la langouste » a bien eu lieu. C’est un conflit qui opposa le Brésil à la France entre 1961 et 1963. Un simple litige, diplomatique et armé, au sujet de zones de pêche. Au final, rien, ou presque rien.

Or, ce conflit pourtant mineur — nous ne pouvons que le constater — a eu un retentissement certain sur notre monde, s’insinuant aussi bien dans nos civilisations que jusque dans nos rêves, influençant les traditions religieuses et les mouvements de mode ainsi que les artistes et les livres d’histoire. La langouste, depuis cette guerre, pour des raisons que nous nous proposons d’étudier, s’est imposée alors comme un véritable emblème, voire une mythologie. Au point que Roland Barthes, auteur des Mythologies, en 1957, se voit contraint d’augmenter son ouvrage d’un nouveau chapitre, consacré bien évidemment à la Guerre de la langouste. Cette nouvelle édition de l’essai de Roland Barthes aurait paru dès 1963. Sur la couverture de l’édition de poche, l’image du fameux crustacé a remplacé la DS Citroën.

Conception artistique et curatoriale : Jean-Yves Jouannais, Mabe Bethônico et Elizabeth Guyon, avec Thomas Bouniol, Célia de Feral, Teva Lan‑Yeung, Denis Valery Ndayishimiye, Maria Teresa Neira Barres, Mélina Rard, Joffrey Sebault et Jacinta.

Jean-Yves Jouannais

Né en 1964 à Montluçon, France.
Vit et travaille à Paris, France.

Jean-Yves Jouannais a été rédacteur en chef de la revue artpress. Il a enseigné l’art contemporain à l’Université Paris VIII. Il est aujourd’hui professeur à l’ENSBA, Paris. De 2008 à 2024, il se consacre au cycle de conférences-performances, L’Encyclopédie des guerres (Centre Pompidou). Dans cette entreprise, il se livre à l’étude de toutes les sciences et disciplines liées à la guerre, construisant une bibliothèque du genre et explorant le sujet à la manière d’un romancier. Plutôt qu’un commentaire sur la guerre, son travail est une tentative de comprendre pourquoi ce sujet l’a tant concerné, tissant un chemin entre L’Iliade et La Guerre de la langouste.

Mabe Bethônico
Née en 1966, à Belo Horizonte, Minas Gerais, Brésil.
Vit à Genève, Suisse, et travaille entre Genève, Suisse et Arles, France.
Titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat du Royal College of Art de Londres, Mabe Bethônico est artiste, chercheuse et enseignante à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et à la HEAD–Genève. Ses recherches concernent l’Anthropocène, les questions postcoloniales et tous les aspects de l’extractivisme (notamment l’exploitation minière). Son travail a été largement exposé et publié à l’international. Elle a également été membre de World of Matter, un groupe international d’artistes et de théoriciens engagé dans une recherche au sujet des matières premières et des écologies complexes les concernant.
Elizabeth Guyon

Née en 1970 à Chicago, USA
Vit à Arles, travaille partout.

Elizabeth Guyon est une artiste transdisciplinaire et une designer d’espace franco-américaine, diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle ENSCI – les Ateliers à Paris.  Elle a enseigné à l’Ecole Supérieur d’Art et de Design de Saint-Etienne et y a coordonné le master de design. 

Elizabeth interroge le concept de design, sa fonction comme ses frontières et chevauchements avec les pratiques artistiques narratives, visuelles, cinématographiques et dramaturgiques. En 2002, elle crée Digital Deluxe avec le designer graphique Patrick Poisson, une agence de design d’espace et de communication. En 2005, elle crée 1er Siècle | contre-espace de création, une plateforme de recherche et de production de projets artistiques.

À la croisée de l’art et du design, elle partage et approfondit avec des professionnels d’horizon très divers sa réflexion sur la recherche par le design et sa capacité à apporter des éléments de réponse pour mieux habiter le monde.